A notre arrivée, le contraste entre les deux îles formant la Guadeloupe nous frappe: nous longeons Grande Terre qui nous présente un profil plat tandis qu'au loin, les montagnes verdoyantes de Basse Terre disparaissent sous de gros nuages gris.
Nous nous amarrons dans le port de Pointe-à-Pitre, grâce à l'aide d'un zodiac de la marina car l'inverseur est de plus en plus défaillant, ce qui rend les manœuvres délicates. Nous allons profiter de cette escale pour faire les réparations nécessaires. Parmi nos voisins de ponton, un voilier de la Course du Rhum.
Première étape bien méritée après la traversée: nous allons déguster une langouste et goûter aux fruits tropicaux, sans oublier le rhum local! Puis nous pouvons enfin profiter d'une nuit complète de sommeil, au calme, bercés par les sifflements des anolis...
Après les Canaries et leurs montagnes dépouillées, nous décidons de commencer par une immersion dans la forêt tropicale. Direction Basse Terre et les chutes du Carbet : après Pointe-à-Pitre, un pont enjambe Rivière Salée, le chenal marin qui sépare les deux îles, bordé de mangrove. Au loin, la Soufrière reste éternellement cachée dans ses épais nuages. La végétation variée témoigne de l'abondance des précipitations: arbres à pain, flamboyants, cocotiers, broméliacées... La route traverse des champs de bananiers dont les pentes douces descendent vers le littoral couleur lagon, puis elle se rétrécit en s'élevant rapidement et semble littéralement dévorée de part et d'autre par la forêt qui s'épaissit. Arrivés au bout, nous découvrons en contrebas le panorama sur la plaine de Capesterre-Belle-Eau puis plus haut, la vue sur les chutes.
La randonnée vers la première chute, la plus haute, est difficile. Le début du sentier qui mène aussi vers la deuxième chute est aménagé, puis il se dégrade nettement. Les arbres gigantesques sont recouverts de lianes, de philodendrons et autres plantes épiphytes , filtrant la lumière qui parvient difficilement jusqu'au sol. Nous sommes enveloppés par cette végétation foisonnante et exubérante, d'une vigueur incroyable, entre fougères arborescentes, gommiers géants, nous nous sentons minuscules.
Des balisiers rouges aux inflorescences remplies d'eau et quelques orchidées éclairent un peu ce camaïeu de verts. Nous nous agrippons aux racines qui forment parfois des contreforts sur les troncs gras et humides, couverts de mousse. L'eau suinte partout: elle court sur les roches glissantes du sentier, dégoutte des feuilles, détrempe le sol boueux dans lequel nous avançons péniblement.
Quelques chants d'oiseaux, des bruits d'insectes, des bruissements qui résonnent étrangement dans cette cathédrale de verdure. Après presque deux heures de montées et de descentes abruptes, de glissades plus ou moins contrôlées, le bruit de la cascade grossit: à l'occasion d'une trouée dans la végétation : la première chute du Carbet se dévoile, majestueuse, intarissable.
Tout près, un énorme glissement de terrain révèle une terre rouge et nous rappelle la fragilité de la forêt et de ses colosses aux pieds d'argile dont les racines restent superficielles. Un petit sporophile rougegorge peu farouche se pose à nos pieds, curieux ou bien en quête de nourriture?
L'accès au bas de la chute est interdit, trop dangereux et il commence à pleuvoir: il est temps de faire demi-tour. Quelques rencontres impromptues sur le chemin du retour: une mangouste, des lézards, un colibri huppé et un colibri madère, superbes!
Retour à la civilisation dans les rues de Pointe-à-Pitre...Pêcheurs et pélicans complices, chapeaux de paille en pagaïe, christophines, mangues, épices, punchs corossol, étoffes colorées, créole...
A la découverte de Grande Terre: nous partons vers le nord en suivant la route sinueuse des Grands Fonds où l'eau a façonné la terre calcaire en une succession de mornes et de fonds très resserrés. Entre manguiers et arbres à pain, les habitations, cases en bois très colorées ou maisons en béton, se nichent dans les étro ites vallées ombragées. Des « bœufs-pitchés » (attachés à un piquet), accompagnés de leurs inévitables hérons, profitent de l'herbe du domaine public sur les bas-côtés.
Puis le relief s'aplanit, nous sommes entourés de champs de canne à sucre dont la monotonie est parfois rompue par quelques bouquets de cocotiers ou par les ruines des « sucrotes », ces anciens moulins à vent.
A Vieux-Bourg, de l'église construite sur un morne aux pentes très raides, panorama sur la mangrove. Le cimetière est typique de la Guadeloupe avec ses caveaux familiaux monumentaux.
La plage de Babin et ses eaux troublées par la boue n'incite guère à la baignade. Quelques poules imprudentes y picorent, surveillées par le coq...
Plus loin le bourg de Petit Canal en bordure de mangrove:ce charmant petit port de pêche était autrefois le lieu d'arrivée des esclaves. Un escalier monumental de 49 marches y a été construit en souvenir des victimes.
Bleu éblouissant du lagon ici à Port-Louis, où l'eau resplendit d'éclats de lapi-lazulis et d'aigues-marines d'une transparence parfaite, comme pour rivaliser avec la pureté du ciel...
Tout au Nord, la Pointe de La Vigie et ses falaises se découpant sur le bleu outremer nous fait un peu penser à la Bretagne. Des Paille-en-Queue planent et jouent avec les courants ascendants, celui qui nous a accompagné pendant notre traversée est peut-être venu nicher ici...
Des jets blanchâtres à la surface de l'eau: un groupe de baleines passe en contrebas, certaines sautent hors de l'eau d'un mouvement ample et puissant, comme au ralenti, puis elles retombent en projetant d'énormes gerbes d'écume.
Plus loin au lagon de la porte d'Enfer, les vagues du large se brisent avec force contre les falaises et passé cet obstacle, le flux se calme subitement pour venir mourir doucement sur une minuscule plage de sable blanc.
Voici enfin tout à l'Est la Pointe des Châteaux dont les rochers aux formes étonnantes nous avaient accueilli à notre arrivée, remparts crénelés ou pyramides massives surlesquels vient déferler la forte houle de l'Atlantique.
Cette escale en Guadeloupe n'est pas encore terminée puisque nous allons goûter aux joies du mouillage à Terre-de-Haut sur l'île des Saintes, toute proche....